Cette interview est réalisé par Téléphone le vendredi 20 mai 2077.
Question 1 :
Quels sont tes artistes préférés, autant au niveau du dessin de que la musique et comment as-tu découvert le Metal ?
Vaste question ! Concernant le dessin, ça a commencé tout petit avec Goldorak et des BD comme le Journal de Spirou, Pif, Astérix et plus tard, à l’adolescence, Fluide Glacial… ce sont mes classiques de la BD Humour « gros nez », comme on dit vulgairement ; Franquin, Uderzo, Peyo, Gotlib en sont les maîtres !
Pour la musique, j’ai commencé à mes 12 – 13 ans par du Rock avec The Police, Téléphone ou The Stray Cats et des cassettes de Back In Black d’ACDC et de 1984 de Van Halen. J’ai rencontré d’autres Metalleux au collège et au lycée, on se prêtait des trucs… dans les premiers albums que j’ai achetés il y avait Shout at The Devil de Mötley Crüe et Mob Rules de Black Sabbath. S’ensuit ma découverte du Thrash avec Metallica, Anthrax, Slayer, Kreator puis du Death avec le groupe du même nom. Je suis ensuite revenu à la période « Grunge » du Rock avec Pearl Jam et compagnie, sans pour autant renier les groupes et les styles que j’avais aimés.
Aujourd’hui, je passe sans problème de Scorpions à Napalm Death en lisant un Gaston Lagaffe.
Question 2 :
La BD au style assez cartoonesque et humoristique raconte des situations connues de beaucoup de Metalleux mais on y trouve aussi des passages à tendances dénonciatrices, empreints d’une certaine ironie. Est-ce que la BD a été dès le départ pensée sous cet aspect duel qui associe l’humour à la dénonciation ou plutôt comme un dictionnaire d’anecdotes plus ou moins reluisantes sans arrière-pensée particulière ?
Non, il n’y a rien de dénonciateur. Le principe de ce genre de BD à gag est de rire de toutes les situations sans méchanceté, en prenant du recul sur soi et sur son vécu. Nous avons tous eu des discussions similaires avec des Metalleux sectaires à l’époque de nos 20 ans, j’ai moi-même pu dire des conneries (nul n’est à l’abri !). Je n’ai pas fait cette BD avec Chloé pour donner des leçons ou expliquer des choses mais pour rigoler, c’est tout.
Question 3 :
La page 5 fait état de l’hyper valorisation du Metal par certains qui tiennent à prouver que c’est une musique très fédératrice au public investi et fidèle tandis que la page précédente décrit ce réflexe de complicité presque immédiat entre deux Metalleux qui ne se connaissent pas. Comment expliques-tu ce paradoxe, à savoir que le Metal fédère énormément de monde mais que croiser un autre Metalleux au quotidien semble aussi incroyable qu’avoir gagné au loto ?
Je ne me l’explique pas ! Même si c’est pour la déconne, j’ai remarqué que le Metal a toujours ce côté Underground tout en étant très écouté. Il y a d’une part les Metalleux au look Metal comme je l’ai toujours été et d’autre part, de vrais fans de cette musique qui n’en ont pas l’air parce que, souvent, leur boulot ne leur permet pas d’avoir ce look.
Le Metal passionne à fond et, par conséquent, fédère, je crois. C’est paradoxal : on ne peut pas dire que ce soit une musique populaire, vu que presque tous les gros médias ne passent pas de Metal – comme si c’était une musique honteuse mais d’un autre côté, il y a le côté hyper merchandising et commercial de ce monde musical… il n’y a qu’à voir tous les produits dérivés des groupes que l’on peut trouver.
Quand j’ai commencé à trainer dans ce milieu, nous avions à peu près tous le même âge… Les plus vieux avaient une petite dizaine d’années de plus que nous mais aujourd’hui, il y a des Metalleux de plus de 60 ans et des jeunots de 10 – 12 ans. C’est hyper large, beaucoup ont un pouvoir d’achat. C’est comparable aux collectionneurs du monde de la BD : les gens se déplacent pour rencontrer leurs artistes préférés dans des conventions et ils n’hésitent pas à dépenser une partie de leur argent chaque mois dans des nouveautés.
Question 4 :
Il en est question plusieurs fois dans la BD mais la solidarité et l’ouverture d’esprit des Metalleux sont souvent brandies comme des vertus répandues dans le milieu. Pourtant, certaines pages remettent leur sincérité en doute, on pourrait presque parler d’hypocrisie. Est-ce que tu pourrais développer sur ce point de l’ouverture et la considération des autres mouvements musicaux et culturels par les Metalleux ?
Oui, je pense qu’il y a réellement une solidarité entre Metalleux et la part « hypocrisie », comme tu dis, est un retournement de situation pour rigoler, c’est l’essence du gag.
J’ai remarqué que, quand on se croise entre Metalleux, la simple reconnaissance d’un T-Shirt ou d’un patch nous fait faire un signe de tête ou le signe des cornes, c’est un truc de ouf ! Ça se perd peut-être un peu aujourd’hui mais c’est encore là. Je me souviens d’un moment sur une terrasse de café à Kyoto, j’ai vu un gars avec T-Shirt Metallica. C’était un Occidental comme moi, on s’est fait un signe de tête et nous avons commencé à parler de Metallica et de nos origines respectives (il était Australien) pour finalement passer un bout de l’aprèm ensemble. Idem pour l’histoire du contrôle de flics : l’un d’eux dit « Moi aussi j’écoute ça ! C’est bon, vous pouvez circuler… » on m’a raconté plein d’anecdotes similaires.
Pour le côté ouverture d’esprit, c’est vrai qu’il y a une guéguerre avec d’autres genres musicaux comme le Reggae, le Rap… ou les Punks quand j’étais ado, on en venait même aux mains ! Il y avait bien sûr les Skins qui ne nous aimaient pas, aujourd’hui les Rappeurs… mais ça s’est adouci et mélangé avec l’arrivée du Nu Metal dans les années 2000. Des groupes ont su mélanger toutes ces cultures pour faire une sorte de « World Metal Music ». Après, tout le monde n’aime pas et beaucoup préfèrent rester agrippés dans leur sous-genre mais c’est aussi ce qui fait la richesse de ce mouvement musical, qui s’est hyper diversifié.
Question 5 :
Dans beaucoup de planches, il est question des Metalleux mais aussi des autres, des non-initiés et la discussion entre ces deux catégories de personnes débouche souvent sur un dialogue de sourds. Pour toi, est-ce important de prendre du temps pour éduquer les néophytes, à défaut de les convertir ou considères-tu que c’est une perte de temps plus qu’autre chose ?
Non, j’en ai rien à foutre. J’aime ce que j’aime et je ne cherche pas à convaincre… mais quand beaucoup de gens fermés disent que ce n’est que du bruit, qu’on ne comprend rien, que les musiciens sont des bourrins, ça m’agace tellement que je me sens obligé, dans le feu de l’action, de défendre ma passion.
Aujourd’hui, j’ai bientôt 50 ans et je suis moins enclin à la polémique. Mais plus jeune, je montais vite au créneau quand j’entendais ce genre de discours… ceci dit, j’ai fait découvrir cette musique à un paquet de gens qui la sous-estimaient.
Question 6 :
Pour toi qui écoutes du Metal depuis assez longtemps, considères-tu cette BD comme d’actualité ou au contraire intemporelle ? En d’autres termes, est-ce que tu as observé des évolutions dans la mentalité du mouvement et des gens extérieurs qui rendraient la BD plus parlante aujourd’hui qu’il y a 20 ans où est-ce que son contenu te semble pertinent peu importe l’année ou la décennie ?
Je pense que c’est plutôt intemporel. C’est vrai qu’elle aurait peut-être moins eu sa place il y a 20 ou 30 ans : les Metalleux étaient moins représentés donc moins pris au sérieux. C’est sûr que le phénomène Hellfest a apporté un éclairage médiatique en France sur le Hard Rock et le Metal et dans le même temps, il y avait bien la BD Riff d’Acier qui a été prépubliée dans Hard Rock Magazine vers la fin des années 80 et il y a finalement eu deux ou trois albums.
Ce qui est fou, c’est qu’il y ait eu plein de BD sur le sujet ces dernières années : Belzebubs en petits strips humoristiques sur un groupe de Black Metal ; Perkeros, une BD fantastique Finlandaise, le comics Murder Falcon de l’excellent Daniel Warren Johnson et, plus récemment, Nous aurons toujours 20 ans qui raconte la jeunesse madrilène de l’auteur sur fond de Hard Rock.